Déploiement dans l'inconnu

[Phen]

Jeudi, dans l’après midi. Le téléphone sonne :
« Ici PC, Lapin et toi êtes déployés en territoire hostile demain soir, mission non définie, soyez prêts »
Je raccroche et regarde par la fenêtre. La pluie tombe depuis deux jours, le vent n’est pas en reste. Depuis la dernière mission la végétation a bien changée elle aussi, il ne reste des maigres arbres sur ma rue que quelques doigts squelettiques malmenés par les éléments… Cette mission s’annonce du tonnerre.

Lapin s’empresse de venir chez moi, j’ai reçu entre temps quelques menues informations : un point de largage approximatif et une zone d’intervention potentielle. Nous repérons rapidement les axes de progression sur notre zone et convenons de l’équipement à prendre, qui se résume à tout puisque nous n’avons aucune idée de la mission.

Mon vendredi après midi est dévoué à la préparation du matériel. Ce sera pour moi l’occasion d’essayer mon nouveau pistolet, un glock 18 fraîchement arrivé. Je partirai aussi en version lourde, mais sans la ghillie sur moi, elle sera dans mon sac, je m’équiperais sur le terrain au besoin. Une fois le tout dans le sac, empaqueté dans des sacs poubelle en cas de pluie violente ou de cours d’eau à traverser j'ai l’idée de me peser « pour rire ». Je ris beaucoup moins à la lecture de l’affichage digital de la balance. Au lieu de mes 70 kilos et quelques habituels je vais devoir traîner 110 kilos. La ballade va être sympathique.

18h vendredi. Fin prêt, des partisans patientent dans la rue. Ce sont eux qui nous permettront d’entrer en territoire hostile, et nous déposerons. Le voyage est tendu, chahuté dans les petites routes de campagnes par une citadine plus très jeune, oppressé par le matériel qui emplit le volume de l’habitacle.

Finalement à 19h30 la voiture s’arrête, le chauffeur nous demandant de descendre. Il nous explique sur le bord de la route qu’un de ses amis avait des documents ennemis à remettre à notre commandement et que nous avons rendez vous avec lui à quelques kilomètres de là. Alors que nous finissons de tout sortir, Lapin avise le PC de la bonne réception de la mission et de notre déploiement effectif.

Ayant voyagé à l’arrière je n’avais pu jouir que de la vue du chapeau du conducteur, de la buée sur les vitre arrière et du dos de mon sac posé sur le siège passager avant durant le transport. Alors que nous remontons légèrement à couvert dans un chemin boueux, je peux apprécier notre environnement.

La pluie a cessé, les nuages probablement dissipés par le vent de la journée, même si celui-ci a cessé. La lune est pleine, lueur diffuse à travers des nuages d’altitude. Je regarde au sol, il fait tellement clair que j’ai une ombre en pleine nuit. L’air est vif, 4° ou 5° mais pas trop humide, et nous n’avons pas besoin de trop nous couvrir. Ce qui m’inquiète plus c’est la circulation abondante malgré l’heure dans cette vallée perdue. Des phares apparaissent et disparaissent régulièrement au gré des virages, flash furtif dans la sécurité illusoire de la nuit.

Il faut se mettre en route. Une observation de la carte que nous a remis les partisans nous indiquent que nous sommes à moins de 2 kms au sud du lieu de rendez vous. Nous traversons une départementale au pas de course, puis progressons rapidement et en silence le long du mur d’enceinte d’une maison pour rejoindre un petit chemin en bord de champ. Moins de 30 minutes après, sur la blancheur livide d’un champ, alors que nous déboulons d’un virage un peu sec, se détache notre objectif à 100mètres.

« Ca pue. » Et c’est le moins que je pouvais dire à Jaune, l’indicatif de Lapin pour la mission. Le point de rendez-vous est une croix de 3 bons mètres, plantée à un carrefour de 4 chemins, encadrée sud et ouest par de la forêt sombre, et au nord et à l’est par des champs n’offrant aucun couvert pour l’approche.
Nous approchons inquiet de la route, gardant en mémoire le trafic important de la région. Je repère une masse sombre que j’avais prise pour le socle de la croix au début qui bouge un peu. C’est notre contact. Le Pc nous confirme les ordres et nous entreprenons de traverser. Lapin passe en premier en vérifiant derrière un véhicule garé sur le côté, puis je le suis et me mets en couverture, le G18 à la main derrière le maigre talus en bord de route.
Définitivement, ce n’est pas bon, le contact et Lapin discutent en plein milieu du carrefour, les bois me paraissent de plus en plus menaçants, et la discussion s’éternise.

« PAM » »PAMPAMPAMPAM ». Des tirs d’AK 47 retentissent dans les bois sur ma droite, en contrebas. Je hurle « contact » et ordonne de décrocher quasiment dans la foulée tellement la situation est foireuse. Lapin part plein nord alors que notre contact détale vers la vallée par la route.
La situation dégénère, nous courrons comme deux débiles dans un champ à découvert, en montée, essayant d’atteindre de maigres bois à 250 mètres de nous, sous les tirs. Les chiens se mettent à aboyer jusqu’à plusieurs kilomètres de là.
A peine 1 minutes après, nous sommes presque au bois, des véhicules jaillissent de l’est et de l’ouest et convergent vers la croix. Nous nous jetons à couvert alors que les portières claquent en contre bas.
Personne ne nous suit, nous sommes en position en hauteur, avec vu sur un champ découvert. Mais les renforts risquent d’arrivés. Je demande à Jaune s’il est touché, il me confirme que non. Moi non plus. Pendant que je surveille le champ, il regarde la carte. Pas de temps à perdre, nous sommes partis plein nord, et allons bifurquer à travers champ plein est pour semer d’éventuels poursuivants.

Nous nous engageons dans un champ jouxtant notre bande de forêt. Encore tendu du contact, je me relâche un peu en regardant autour de moi. Malgré l’automne, nous foulons un parterre de pâquerette, étincelantes sous la lune, volant la vedette à un ciel avare d’étoiles. Mais pas le temps de rêvasser, la progression est rapide, les chiens réveillant encore la vallée de leur cri énervés.

Une fois plus en sécurité nous nous arrêtons un bref instant pour un débriefing de Lapin sur le contact partisan. Ce dernier a été attaqué à environ huit kilomètre au nord et a perdu les documents dans les bois, proche d’un col. Et c’est à nous d’aller les chercher. Nous avons quelques maigres infos du Pc sur le lieu, rien de bien tangible. Il faudra voir sur place.

Nous avançons bien, malgré nos charges d’équipement respectives. Les pauses d’orientation sont brèves, le chemin assez évident. Ce qui n’est pas pour nous rassurer, car si le chemin est clair pour nous, il le sera aussi pour les hostiles. Nous avons cependant changé de vallée et espérons que les bruits de l’échauffourée n’auront pas alerté toute la populace. Les paysages s’enchaînent : champ en jachère, chemin en lisière de forêt, quelques vagues habitation dans l’obscurité grève la masse sombre de la forêt de quelques tâches de lumière. Au loin on devine une grande ville qui se découvre lorsque nous quittons les bois à flanc de colline.

Voilà plus d’une heure que nous n’avons eu aucuns contacts, quand nous approchons d’un passage difficile. Notre chemin passe le long d’une maison, sur la droite, sans possibilité de contourner. Les lieux nous semblent cependant vides, pas de lumière, volets fermés. Nous nous engageons avec précaution sur le chemin qui descend vers la maison, les pieds baignant dans l’eau héritée des pluies des jours précédents. Le chemin redevient goudronné alors que nous atteignons l’angle de la maison. Le pas s’accélère pour regagner la sécurité des bois un peu plus haut. Sur le passage, un rapide coup d’œil dans la cour nous confirme que les lieux sont vides. C’est rassurés que nous avançons vers la grande route à quelques pas au dessus de nous.

« Voiture à couvert !!! » Merde à peine engagé sur la route que le virage à 300 mètres de nous s’illumine comme un ciel de 14 juillet pour nos yeux jusqu’alors plongés dans la pénombre. Demi-tour, sprint. Nous rejoignons le chemin que nous venions de quitter il y a quelques secondes et nous jetons en contre bas de celui-ci espérant échapper aux yeux xénon inquisiteurs. Plaqué au sol les rayons de lumière frôlent notre sac à dos, qui restent dans la pénombre. Le danger est passé. Je me redresse, regarde Lapin, et pouf de rire. Nous nous sommes jetés dans des ronces, et c’est en riant que j’essaie de décrocher mes gants prient dans la végétation. Je sors de la tant bien que mal, me frottent les mains et aide Jaune à s’extraire à son tour.

De retour sur la route nous sommes en mauvaise posture les bas côtés sont impénétrables, et il y a 300 mètres qui nous séparent de la suite de notre parcours… c’est partis pour un sprint. Nous rejoignons heureusement le chemin sans mauvaises rencontres. Moins de 30 minutes après nous approchons du col.

Si le partisan y a été pris en chasse, nous suspectons des patrouilles dans la zone et décidons une approche discrète. Bien sûr le col est un gros carrefour de quatre chemins, éclairé comme il se doit d’une enseigne de 5 mètres d’un restaurant. Celui-ci semble paisible et il domine le carrefour. De la où nous arrivons nous pouvons pénétrer dans la propriété afin d’avoir une meilleure vue sur l’objectif. Ce que nous faisons.

Nous sommes en hauteur, au dessus des spots, invisibles depuis le carrefour mais ayant 180° de visibilité. Ca ne manque pas, à peine quelques minutes d’observation nous suffisent à distinguer des masses sombres qui circulent entre la route et les bois. Pendant que jaune tente de prendre contact avec le PC, j’essaie avec son aide de sortir mon L96 de mon sac à dos. J’ai malheureusement laissé les sangles dans la poche pour le snipe, et je fais un boucan du diable pour le sortir de son compartiment. Quelques instant plus tard, un tir est vaguement dirigé dans notre direction.

Un mal pour un bien, l’adversaire vient de faire une erreur. Certes ils savent qu’ils ne sont pas seuls, mais nous, nous savons qu’ils ne nous voient pas, et qu’ils sont hostiles. La permission d’engagé nous est donné par le pc.
Nous repérons la menace principale au NO de nous, c’est un individu armé qui se dissimule parmi des piles de rondins de bois. Des bruits sur la droite indique peut être d’autres personnes mais aucun tirs n’est partis de là.
La forme est diffuse mais la lumière suffisante pour que je puisse l’acquérir dans l’optique. J’arme et me prépare à tirer. Jaune me confirme être prêt aussi. Nous engageons.

Je tire en premier et brise à nouveau le silence de la nuit. La cible est à plus de 50 mètres, et j’entends mon premier projectile qui heurte un rondin, suivi de près par la première rafale de Lapin, dans un claclaclaclac élégant. La cible se déplace, tentant de se mettre à couvert. Deuxième, troisième, quatrième tir. Tous mes essais heurte les rondins, le couvert de l’adversaire est très bon, et mon visé parfois aléatoire dans la nuit. Je termine mon chargeur avec les quatre derniers tirs donnant le temps à Lapin de se déplacer. Nous descendons un peu, surveillant l’adversaire tout en cherchant les documents. D’autres tirs adverses fusent sur notre ancienne position, ils nous ont perdus de vue et nous comptons en profiter. Lapin lâche encore quelques rafales. Puis nous remontons sur le petit chemin qui mène au restaurant.

J’ai changé mon chargeur. Je suis derrière du grillage de clôture, mais contrairement au poste de tir précédent, je n’ai plus de branchages devant moi. Lapin a arrêté de tirer et est à couvert demandant au PC plus d’informations sur l’emplacement des documents. Des voitures passent mais ne s’arrêtent pas, et nous sommes à l’abri. Je m’assoie dans la terre, en tailleur et cale mon fusil contre mon épaule. Les bretelles de mon sac à dos et de mon RRV me gênent un peu mais je trouve une position correcte. Je me calme, respire paisiblement. Ca sent l’automne, un mélange de résineux humide, et de feuille mortes. Parfum noisette. Je souris et amène mon œil dans l’alignement de l’optique. Ma cible est là. Dans les rondins. Plusieurs formes sombres attirent mon attention, mais ce ne sont que des découpent humides, le bois humide ayant noircis. Puis je le vois. Il scrute en sortant sa tête sur le côté des rondins. J’attends. Voilà plusieurs minutes que nous ne tirons plus. Il va bouger, rassuré. Ca ne loupe pas, il se dégage par la gauche de la pile derrière laquelle il avait trouvé refuge. A pas feutré, il semble vouloir s’éloigner.
Je tire, le premier projectile tape à nouveau le bois, mais j’ai déjà rechargé sans avoir perdu ma cible de vue. Je tire à nouveau. A l’impact, le son est plus sourd, presque rond à l’oreille, j’ai touché. La cible disparaît derrière le tas de rondin puis plus rien. Plus de tirs, plus de bruit.

Lapin a eu des informations complémentaires sur l’objectif, il est à 150 mètres de nous. Nous traversons sur nos gardes le carrefour, puis trouvons un classeur jaunâtre dans les bois.
Nous confirmons au PC l’objectif récupéré, et la zone nettoyée. Quelques minutes après une voiture est là pour venir nous chercher. Mission terminée.

[Phen]

Suite à vos encouragements pour mon dernier retex je vous livre celui de la mission d'hier
Commentaires bienvenus, bonne lecture

[Renan]

C'est toujours un plaisir de te lire!
Vraiment, c'est un régal!

[blackangel]

génial !
encore encore !! \o/

(une légère faute de frape aux niveau de la 5eme ligne en partant de la fin, "pas" / "par" ^^)

[Phen]

C'est corrigé merci, il doit y en avoir d'autre je ne suis pas un professionnel de l'orthographe et de la grammaire !

[Frostcore]

Je dirais comme Renan, un régal !
Faudrait te faire un fanclub

[gtlulu]

Franchement j'adore tu nous situe bien tous les éléments et les détails se qui fait qu'on se sent aspirer dans ton récit.
Merci pour ce beau sujet!

[Dogi]

Récit très agréable à lire, et mission rudement mené !

Génial Phen ! On en redemande

Dogi

[LoneWolf]

Superbe récit!
Mais une question me titille, vous jouez ou pour avoir autant d'espace?
Sa demande une organisation de dingues les voitures tousa, c'ets une très grosse partie dont vous faites juste les tireurs ?
Je comprend pas trop le contexte en fait ^^'
LoneWolf

[Phen]

C'est une petite partie organisée par les chers membres de notre pc juste pour nous
Je ne connais pas leur ficelles scénaristique à chaque partie mais en tout cas, nous on est bien dedans !!!

[dark_hadès]

Beau RETEX, très clair et prenant... Encore, encore !!!!

[ixio]

Phen : je suis fan

[Phen]

Merci !

[Alumyx]

Lorsque j'ai vu ton post la semaine dernière, je me suis fait une réflexion "à la Dogi" : vite, les pop corns ! Mais ne disposant pas de suffisamment de temps pour profiter pleinement de ton récit, je me suis dit : on va attendre de pouvoir le savourer pleinement pour le lire... C'est comme ça que j'ai reporté d'un jour sur l'autre la lecture de ton récit... Le weekend étant là, il était temps de s'y mettre ! Cherchons une musique adapté : "On The Ground ~ Battle In The Jungle" (http://www.youtube.com/watch?v=K1W7nwKumOU, je vous recommande vivement ce morceau lors de la lecture de ce récit !).
Dès les premières lignes, on retrouve ce style accrocheur qui te caractérise facilement. Rapidement, nous sommes aspiré dans l'histoire, et même si le contexte reste floue, une seule chose occupe notre esprit : l'objectif de la mission ! On vibre avec vous au moindre son, à la moindre silhouette. L'adrénaline est présente d'un bout à l'autre. Et le final, très sobre, conclu admirablement cette histoire !

Il y a différentes façons de jouer à l'airsoft, le milsim n'est finalement qu'une facette parmi d'autres. Souvent décrié pour son aspect trop réaliste, j'ose espérer que tes récits apporteront aux gens une vision plus globale de cette discipline, et éclaireront la très importante dimension jeux de rôle de cette activité, sans laquelle elle perdrait toute sa saveur.

Continue de nous faire réver, c'est le genre de récits qui donne envi de se mettre à l'airsoft.

[Phen]

Comme disait l'autre, c'est trop d'éloge que vous me faites, mais merci !

Et très sympa la musique je me suis relu avec ça colle pas mal du tout.